Jardin si beau devenu sombre, Tes fleurs attristent ma raison, Qui, semblable au ramier dans l'ombre, S'abat au toit de ta prison. Mais à rêver j'ai passé l'heure ; Vous qui nous épiez d'en bas, Ce n'est qu'un pauvre oiseau qui pleure : Sentinelle ! Ne tirez pas !
Au pied des barreaux formidables Qui voilent des parents perdus, Comme en des songes lamentables, De longs sanglots sont entendus. Grâce aux sanglots qui bravent l'heure ! Vous qu'ils ont irrité là-bas, Ce n'est qu'un faible enfant qui pleure : Sentinelle ! Ne tirez pas !
Partout les lampes sont éteintes, Les bruits des verroux et des fers Sont étouffés comme les plaintes De ces silencieux enfers. Plus morne et plus lente que l'heure, A genoux, qui donc est là-bas ? Ce n'est qu'une femme qui pleure : Sentinelle ! Ne tirez pas !
Sous l'oeil rouge du réverbère, Quel est cet objet palpitant, Près du guichet mordant la terre, D'âme et de pitié haletant, Sourd au cri de l'homme et de l'heure ? ... Vous qui le menacez d'en bas, Ce n'est qu'un pauvre chien qui pleure : Sentinelle ! Ne tirez pas !
Paix ! Voici qu'on ouvre une porte : C'est la mort traînant ses couleurs, Et l'humble bière qu'on emporte, Brise en passant de pâles fleurs. Quand du rebelle a frappé l'heure, Qui donc ose bénir tout bas ? Ce n'est qu'un vieux prêtre qui pleure : Sentinelle ! Ne tirez pas !