Il est temps de seller nos chevaux de démence Pour partir vers l’autre côté nu de silence. Les mille et une ailes qu’il nous faut pour errer, Empruntons les, donc, chez la vigne qui rêvait, Dans le jardin voilé de nos envies sauvages, Chez l'éolienne ivre de nos vals de nuages. Je cours laissant entre l’hier et l’âme un chant, Le temps mort qui m’occupe enchaine mes océans. Et pourtant je ne crains cet au revoir précoce Car j’ai brisé l’horloge envieuse et atroce Qui me faisait penser au soulever du vide Prévu pour demain, puis mon dessein est solide : L’enfant qui en moi t’as aimé ne mourra pas Bien que les sens coupés annoncent mon trépas ! Non, il est temps encore de nous parler, De laisser fleurir nos rêves en paix, De laisser ce vent jouer de nos cheveux, Et laisser l'espoir peindre en rose nos vœux. Courrons, donc, la main dans la main derrière Ces ruisseaux, dansons à leurs doux murmures. Non, ne t'en va pas, non si tôt ainsi, Il est temps, oui, de jeter nos soucis Aux étangs et y guetter le coucher, Admirer l'éclat de son orangé. Grimpons les arbres pour voir les oisillons Jaser dans leurs nids ; et les papillons Comptons-les, comptons les jasmins des champs! Il est temps encor d'inventer des chants, D'errer dans les bois, sur les rives, De rendre encor nos passions plus vives, De graver sur tous ces troncs et ces roches Nos initiales... des cœurs avec flèches. Hélas, il est temps de fermer ton livre, Dors ! Dors, alors ! Songer trop te rend bien ivre !