Auras-tu le temps de voir le doux chardonneret Au fin couplet Construire son nid et en un vif rejet Happe l'insecte aux riches rubis Et sous la vielle tuile la colombe remue ses deux Blancs œufs Et puis noie son vol dans le bleu des cieux Où le rose matinal s'allie
Auras-tu le temps d'écouter l'hirondelle Aux frêles ailes, Égrener sur le toit de la chapelle Un chapelet printanier Et de pêcher une pause pour écrire à ta mère En prière Depuis que sillonnant l'immense mer Tu la quittais ô éternel canotier
Auras-tu le temps de penser à ta pauvre femme Qui sème Dans l'ingrat sillon du sort blême L'espoir tari étend sur la corde usée son linge et son cœur Et en pleurs Revit en vain l'éphémère joie des belles heures Où tu revenais en fidèle mari
Auras-u le temps de cajoler ta tendre fillette Aux blondes nattes Fouillant, jadis dans ton manteau une autre sucette Que tu lui cachais pour le lendemain Et qui maintenant pieds nus s'en va vers la colline En orpheline Cueillir pour Toi entre la ronce et l'épine Une fleur qui se meurt dans sa main...
Auras-tu le temps de voir encor Le fin or Des blés où chantent en gai ténor La cigale et la caille Ô éternel forçat auras-tu ce laps de temps Toi si longtemps Dévoré par la machine,mâchant à mille temps Ta vie, brin de paille!