Dans une verte prairie Rôdait un félin affamé. Égaré, loin de sa tendre patrie Il rêvait de se délecter Du liquide tiède et divin D'une tendre chair de bovin. Dans l'indicible douleur où il se contemplait Il ressentit soudain un bonheur incongru Qu'il n'avait pas connu depuis de longues journées : La bise du matin, dans sa danse têtue Lui apportait enfin des effluves charnels Qu'il ne pouvait classer dans son large panel. Se léchant les babines de cette nouvelle saveur Dont l'arôme épicé l'alléchait comme jamais Il s'avança vers elle, et figé de stupeur Découvrit une scène qu'il ne put oublier : Une douce pucelle, dans sa simple beauté Illuminait le pré où elle venait chanter. Elle portait sur sa peau une douceur divine Sa robe de coton autour d'elle voletait Lui dessinant des ailes d'une pureté orpheline Où ses longs cheveux blonds jouaient avec gaieté. Ses yeux bleus parcouraient les herbes agitées Et dans leur promenade aperçurent le danger Le félin désolé sut qu'elle allait le fuir Loin de lui s'en aller, le laissant éploré L'estomac rugissant, loin de ses yeux saphir ; Mais loin de reculer, par le tigre effrayée, La demoiselle plongea son regard océan Dans les pupilles noires qu'elle aima tendrement Un amour infini vola vers l'animal Le subjuguant si bien qu'il oublia son mal Et se noya sans peine dans la chaste caresse Qu'était pour lui l'amour d'une demoiselle des prés. Le tigre ne mangea pas, mais son cœur se nourrit Son instinct animal volé par un colibri Qui dans sa douce bonté lui offrit un mouton Qu'il venait garder dans la fraîche rosée.
Que notre siècle gris en tire une leçon La violence n'est pas la meilleure des alliées Et croquer une pucelle pour remplir l'escarcelle Est moins malin qu'aimer et que séduire la belle.