Hier j'avais dix ans et j'avais les joues roses Et nous jouions sans fin de l'aube jusqu'au soir, Dans le ruisseau, le pré, la forêt, où repose A jamais disparu l'éclat de tes yeux noirs.
Hier j'avais vingt ans, j'étais fier de ma mine J'avais les yeux luisants, le jarret vigoureux, Vigoureux mes deux bras, et souple, mon échine, J'étais un déluré, leste, vif, amoureux...
Hier j'avais cent ans et je voyais le monde Du haut de mon passé, d'un oeil dur et moqueur Et je le critiquais... J'avais de la faconde, J'avais quelques savoirs et j'étais raisonneur...
Maintenant j'ai mille ans et plus et je chemine Sur la route infinie qui mène à l'avenir Et plus je vais marchant, plus je vois mes racines Et pour moi le futur n'est qu'un grand souvenir.
J'aurais cinq cent mille ans que rien n'aurait au monde Plus de sel, plus de goût que ce que j'ai vécu Et tout cet avenir que notre espoir inonde Ne m'amènera rien, sinon du revécu...