Un bambou dans une clairière Poussait de toute sa vigueur. Vers le ciel et l'azur en cherchant la lumière. Il progressait avec ardeur. Car rien ne l'arrêtait jamais dans son passage, Ni vent, ni pluie, ni paysage. Tout corseté de vert, vêtu de beaux atours, Il poussait pour le moins de deux empans par jour. Tout en hissant sa tête fière Il aperçut un liseron S'enroulant lentement autour d'une bruyère Et poussant comme un limaçon. "A cette allure là, lui dit-il, mon ami, Ce n'est pas votre lot d'atteindre l'infini ! Accrochez vous à mon corsage Et vous verrez du paysage ! Dès ce soir je serai bien loin de vos regards, Venez donc avec moi pour un nouveau départ. Aggripez vous bien à ma tige, Car vous en aurez le vertige !" Le liseron, pensif, poursuivit ses détours Sur le petit fétu qui lui cachait le jour. "C'est bien beau de monter, répondit-il ensuite, Ce n'est certes pas moi qui vous ferai poursuite. Votre ciel ne sera pas toujours si serein, Un jour un coup de vent vous cassera les reins. A quoi sert de monter si l'on met en fourrière D'où l'on vient et ce que nos aïeux nous léguèrent. Vous serez haut ? La belle affaire ! Votre racine reste en terre."
