Le Lion, le Loup et le Renard
Le seigneur Roi Lion, soudain en appétit,
Fit paraître un décret, publier un édit,
Selon lequel, sans plus attendre,
Le Renard et le Loup, ses fidèles féaux
Rabattraient vers ses crocs les brebis des troupeaux,
Afin qu'il n'ait plus que la peine de les prendre.
Ainsi fut fait. Le Roi Lion
Engrangea fort belle moisson
De proies dodues, appétissantes.
De bonne humeur, Sa Majesté,
Confite en magnanimité,
Voulut montrer tous les auspices
De la plus élégante justice.
- Voyons ! Rugit le Roi en s'adressant au loup,
Fais-moi vite les parts pour chacun d'entre nous,
Afin que nous puissions nous mettre vite à table.
Le Loup, réfléchissant, fit travail de comptable,
Comptant et recomptant,
Divisant, disséquant,
Il établit des parts grandement équitables.
- Voilà ! Mon cher Seigneur ! Un partage parfait.
Cela m'a pris du temps, je crois l’avoir bien fait !
- Comment ! Dit le Lion. Te moques-tu de moi ?
Quelle petite part que la part de ton Roi !
Et, saisissant le loup dans ses fortes mâchoires
Il lui fit sur le champ un sort expiatoire.
Le Renard, en tremblant, refit tout le travail.
Sachant ce qu'il risquait, il soigna les détails :
La part du Roi Lion, ce fut vingt fois la sienne !
Ce dernier déclara : - Belle âme que la tienne !
Tu as su me donner les biens qui me reviennent.
Cette sagesse en toi, d'où crois-tu qu'elle vienne ?
- C'est que, dit le Renard, près de vous, on apprend,
Si près de mon Seigneur, tout exemple est frappant...
Grâce à Vous, le savoir s'apprivoise très vite
Et Votre Majesté est un maître d'élite !
Combien de gens partout vont comme le goupil,
Sans broncher, sans remords, sans que ne bouge un cil,
Encenser le puissant jusques au ridicule.
Pour l'un, tous les milliards et pour l'autre un pécule !