Le Créateur
Une muse légère, au cœur de la nuit,
Souffla en mon oreille une étrange mélodie.
Tissant entre eux des mots de langues ignorées
Elle m'offrit un thème à la beauté cachée.
Un texte brut et laid, parfois incohérent,
Était à présent là, dans mes noirceurs profondes.
En orfèvre des mots, sur la meule du temps,
Je façonnais son corps pour le livrer au monde.
Tout au fond de mon cœur, creusé par des torrents
De joie, d’amour, de haine, de sentiments violents,
J’invoquais les esprits de Baudelaire et d’Hugo,
Et purifiais mon âme pour ne pas qu’elle sonne faux.
Oeuvrant sur chaque vers, mon poème prenait vie ;
Je sentais dans mes mains un monstre d’énergie,
Qui me brûlait la paume et m’entrainait au loin,
Au-delà du réel, dans des cieux voisins.
Grisé par le voyage, emporté par l’élan,
J’avais enfreint les règles de l’être et de l’étant.
Bien plus qu’un poème, j’avais créé un monde !
Dieu m’appelle au loin ; j’entends sa voix qui gronde…
En élève indocile, j'avais défié le Maître
De toutes les existences, de toutes les destinés,
Le Poète Suprême qui de rien a fait naître,
Ce monde où nous vivons que j'osais mépriser !
Sa voix grave me calme et je comprends enfin,
Que si je tiens la plume, il guide aussi ma main.
D’un rien il m’a créé, d’un rien je suis sorti ;
Comme un Fils à son Père, je l’Aime à l’infini.
