Je suis entrée en toi comme on franchit le seuil D’un logis inconnu aux parois écorchées J’ai estimé le lieu, juste du bout de l’œil Redoré les châssis d’un ambre recherché
J’ai traversé l’allée qui menait au jardin Perdu sous les feuillées que l’automne amoncelle J’ai réengazonné, fait reverdir le thym Puis je l’ai refleuri à ton cœur balancelle
Tu as déverrouillé à ton tour au printemps D’un simple mouvement ma porte dérobée Pour libérer des liens du boulevard du temps Le bastion encaissé de mon âme fêlée
C’était, je m’en souviens, le mois du frais muguet Tu avais à la main un bouquet de soleil Tu l’as enrayonné dans ce vase ébréché Dont il manquait morceaux égarés à mes veilles
Puis tu as, délicat, sur un ancien grimoire Déposé un coussin au parfum de garrigue Cette lavande bleue fidèle à ma mémoire Fière de liberté, témoin de notre ligue
Nous avons rénové les pièces une à une Redécoré l’alcôve éraflée par l’amer Tamisé notre sable au pied de la grand dune Pour qu’il nous soit plus doux à rejoindre la mer
Nous avons démoli ce pan de mur hautain Accueilli le saphir sur une baie de liesse Réouvert l’horizon au zéphyr du matin Pour que glisse l’amour sur des rails de tendresse
Nous avons imprimé aux souvenirs défunts Parures d’un château, un ton chaud, une aura Et si notre décor pourtant semble commun Les falaises sont loin, si loin, en contre-bas !