Tu as vu le cotre au lointain quitter le quai Ourdir sa grande voile au départ incertain Un certain jour de mai sa coque a tourniqué On eût dit de son bois qu’il était diablotin
La carcasse évidée par trop de nuits de veille S’éprouvait sous l’étrave épuisée par le flux Sa quille balancée d’un indécis réveil Dessinait l’écaille des marées superflues
Il ne mouillera plus son ancre au doux zéphyr Ne déroulera plus son mât fier d’Artimon Aucune intempérie n’aurait su lui suffire Mais sa fin serait signe à graver sur un mont
Non il n’essuiera pas la prochaine tempête Quand ce dernier effort l’essouffle à contre-vent Et sa poupe et sa proue et sa queue et sa tête Se voûtent vieillement au grand gaillard d’avant
Tu as vu le cotre au lointain quitter le port Les dieux à son adieu ont suivi du regard Sa silhouette fine effilée de support Et toi, tu restes là, noyé, les yeux hagards !