Je sais, il te paraît peut-être un peu rapide D’envisager mon corps, inerte d’expression Mais j’y songe parfois quand le goût insipide De la mort me prévient à forcer sa mission
La vie n’est pas mortelle ! C’est nous qui l’abattons ! Lorsque nous transperçons de front sa carapace Les brisures de l’âme ou les coups de bâtons C’est nous qui les donnons, dans cet infime espace
Il y a ceux parfois qui surgissent d’une ombre Qui se plantent au dos en couteaux affûtés Que veux-tu y surseoir ? Que dire de leur nombre ? Qu’ils soient mille ou un seul, je les ai affrontés !
Ils ont bien essayé quelquefois de m’atteindre J’ai plié, je l’avoue, mais me suis redressée ! Je ne suis l’ennemie de personne, et m’éteindre Par un coup bas porté, ne m’a pas empressée
Tu parles de courage ? J’y vois la volonté ! Oui je préfère mieux ce mot plus élégant La bravoure n’est rien qu’un défi éhonté L’instinct me favorise au velours de son gant
Je n’imagine pas la fin comme une épreuve Je la laisse venir à moi, sereinement J’ai reçu tant d’amour, que je ne suis pas veuve D’un trésor que je tiens pour l’éternellement !
Que pourrais-je te dire ? Que pourrais-je prôner ? Jamais un seul regret n’a su faner mes heurs Un remords ? Ah ce mot ! Vois sa moitié trôner ! Mordre si je l’ai fait, c’est aux chairs des malheurs !
Pour mieux les engloutir, les fondre dans leurs vices ! Mais le bonheur aussi, tu sais, je l’ai croqué ! La passion ! Le désir ! Oh merveilleux sévices ! Ah le divin flambeau à jamais escroqué !
Jusqu’au bout j’userai les lambeaux de ma peau Lorsqu’on aime la vie, elle est reconnaissance Je l’aime et j’aime tant arborer son drapeau Que je le porterai jusqu’à sa renaissance !
Sois ma toile d’enfin, le denier de mon culte En toi je quêterai mon ultime faiblesse Pour qu’à la nuit venue, la frénésie occulte De franchir ce détroit aux frais de ta noblesse
Et lorsque de mon temps sonnera la sentence Remboursant à mon sang un extrême d’écu Fière d’avoir tenu mon serment d’existence Alors, je m’en irai, riche d’avoir vécu