En un rêve souvent que je fais loin de vous Je nous vois créateurs, les larmes aux paupières Et le monde tournant sur machines à sous Nous entraîne au-dedans de rondes buissonnières !
Où étiez-vous au temps des fêtes fanfreluches Quand sous le grand préau j’espérais vos égards ? Auriez-vous su dompter les périls, les embûches Qu’un délire ingénu provoquait des hasards ?
Vous dites aujourd’hui « Ah si nous avions pu Nous vivre au même instant ! Nous rire aux mêmes heures ! » Vingt ans ! Mais qu’est-ce donc ? Nul âge n’est repu De farine au moulin, de lits en nos demeures !
L’attirance d’esprits n’enfreint la liberté Si vous m’aviez reçue autrement qu’en ma peine Vous auriez, insensé, gravi en grand fierté La mienne qui offrait le frais de son haleine !
Voyez tous ces projets dormant sous l’opulence ! La musique est en art un dogme intemporel Une note, un renvoi, quelques traits au silence Et voici la portée à portée d’éternel !
Vos deux mains au piano, mon oreille à sa touche N’imaginons pas plus ! Pourtant je vous l’avoue Le contact aérien de vos sons à ma bouche M’eut paru bien plus fol que supplice de roue !
Il s’en faudrait de peu pour composer mémoire D’adagios effilés, de valses de filous Que je garde en secret, au chaud de mon grimoire En un rêve souvent que je fais loin de vous !