"Vivre l’instant présent toujours intensément ! Prends sur toi un détail en magnétique aimant Croche-le sur ton cœur, garde-le dans ton œil !" Ainsi me parlait-elle, elle ma tendre aïeule
"L’eau de vie est en fait un ruisseau asséché C’est à toi de nourrir ses rigoles sauvages D’alimenter sa source aux estrans ébréchés Ainsi - me disait-elle - Tu seras son rivage"
"Tu l’accompagneras tout au long des canaux Puis tu la guideras aux saisons en bataille Car si l’eau est la vie, la vie, elle, est ton eau Il faut la prendre à boire ! L’apprendre en ses entailles !"
"Certains jours incléments tu voudras t’écouler Sur un terrain plus calme innocent de grands crues Mais vois-tu ce détroit où nous souhaitons rouler Se dérobe souvent, sournois, à nos pieds nus"
"Aussi il te faudra non seulement la foi Mais l’envie de plonger dans cette onde vermeille Patauger aux désirs, brasser ta propre loi En respect d’une berge où d’autres s’ensommeillent"
"Cours ma fille ! Ruisselle ! Va donc batifoler ! Laisse chanter tes flots aux meilleures des heures Mais n’oublie de leurs fils gorgés de feux follets Qu'il faudra les filtrer aux élans de ton cœur !"
Ainsi me parlait-elle, elle ma tendre aïeule Au repos d’une sieste, à la paix d’un tilleul Aujourd’hui je navigue avec ses deux pagaies Sur la barque d’amour qu’elle m’avait léguée