Ah s’il m’était donné de vivre mes vingt ans Ceux que j’ai amusés de ma fichue dégaine Ah s’il me revenait ces étés ces printemps Qu’en ferais-je aujourd’hui, autre qu’une rengaine ?
Le temps nous étourdit quand la vie nous entraîne Il s’émousse sans fin dentelant l’illusion Mais le temps nous sourit en laissant à la traîne Quelques bribes d’un jour, des bulles en fusion !
Ah s’il m’était admis de retourner l’envers De ce décor géant où flottait ma jeunesse Ah s’il m’était permis de ranimer ses vers Je vous en conterais leur lourdeur, leur finesse !
Le temps nous apparaît comme un vil maraudeur Lors qu’il blanchit les fils cousus sur nos paupières Mais le temps disparaît si d’appétit frondeur Nous le vidons au mieux, au creux nos soupières
Alors je l’ai puisé, j’en ai mis en réserve Je le bois à l’envi, sans le gâcher pourtant Parfois je m’en reprends, veux-tu que je t’en serve ? C’est de moi qu’il s’éprend, de moi qui l’aime tant !
Ah s’il m’était donné de dévoiler la chance Qui persiste à ma vie de vivre mes vingt ans Je vous en dirais trop des heures en balance Qui me bercent encor de leur rythme tentant !
Me voyez-vous en paix ? Voyez-vous ces secondes ? Ces étoiles qui jouent, juste là, dans mes yeux ? Elles sont mes vingt ans ! Elles sont mille rondes ! Mille mondes dansant aux plaisirs facétieux !