S'entend la poésie à qui veut bien l'entendre Pas seulement de mots en rimes bafouillées Mais d'une aube fleurie par une robe tendre Par un parfum de peau, des émotions mouillées
Le voyage survient quand l'âme se retire Aux mouvances du temps, sur un souvenir frais Ou sur la nostalgie qu'une attente soupire S'entend la poésie aux plus noirs des marais
D'ondes écartelées, entre amour et violence Haine, combats de rue, mais pour l'espoir aussi S'entend la poésie à qui sait du silence Le langage muet d'un frêle colibri
Chaque jour est nouveau, chaque ton différent Au regard qui renaît d'une rêverie blême Ou d'un rire promis à un autre, parent Qui le verse aux reliefs de giboulées de crème
Par le regard posé sur la vie, sur les choses Qui en font la douleur au partir de l'amant Lèvres d'un nourrisson, lèvres à peine écloses S'entend la poésie, taillée comme un diamant
Pour qui sait regarder comme elle nous regarde Qui prend de la nature en gerbes composées Les éclats qu'elle essuie à la lyre d'un barde S'entend la poésie, en notes de rosées
D'une larme cachée sous les branches d'un saule D'une brise couvant un brasier souterrain D'un violon qui se couche à l'anche d'une épaule S'entend la poésie dans un courant d'airain
La main que tend l'ami, sans l'avoir demandée Celle que l'on souvient à rendre à sa lumière Sa présence à la nuit, quand une peur scandée Nous rappelle à la mort, nous croit être poussière
D'un voyage lointain, jamais imaginé Autrement qu'aux sommeils de cygnes mandarins Déflorés par le miel d'un galbe vahiné S'entend la poésie aux pleurs d'étangs marins
D'une peine qui geint à la perte d'un être Qu'il soit homme inconnu, illustre ou animal Un rideau qui se fane en quittant la fenêtre Qu'il aimait protéger de son teint provençal
D'un fourré d'où s'échappe une biche ou un daim D'un genêt redoré qui se surprend à rire D'une louve allaitant ses petits qui ont faim S'entend la poésie de ce que l'on respire