Si elle fermait les yeux pour un instant de doute Si elle fermait les yeux pour un instant de rêve Si un instant seulement elle pouvait espérer
Si elle s’abandonnait… Elle laisserait le champ obscur de ses pensées, Ses pensées devenues arides, Se peupler de songes portés par la brise de l’imagination L’acrimonie de ses désirs se tairait Pour accueillir le souffle plat du désir de se taire Elle ne serait plus elle Disparue la lourde machine compliquée Evaporée la pesante contrainte de se gouverner
Si elle s’abandonnait… Le bourdonnement de l’angoisse Ne serait que le flux de la mer déchaînée Le cri strident de la folie Serait étouffé par la plénitude d’une nuit de juillet Et la déraison s’en trouverait abolie
Si elle s’abandonnait… Elle découvrirait un monde simple et calme Où la vie est rythmée par le ballet des astres Et la berceuse de l’eau Elle atteindrait l’adéquation enfin Sans mot Sans réflexion Sans regard
Si elle s’abandonnait… Elle serait engloutie par l’écrasante mécanique D’un monde sans loi, D’un monde vivant mais inutile, D’un monde qui ne permet pas de le penser
Si elle s’abandonnait elle disparaîtrait Elle, qui est la seule à se penser, Elle disparaîtrait comme ce monde disparaîtrait pour elle, Construite par les mots à travers les regards
L’espoir de s’oublier paraîtrait alors vain Car les rêves sont ailleurs, Au sein même des mots, A l’antipode du monde, Au cœur d’une poésie longue et inachevée