Aurore d'automne
Malgré le ciel menaçant il était sorti
Avant l'aube de ce triste samedi.
Il savait exactement où il allait ;
La barque amarrée, il l'avait déjà vue.
Plusieurs fois il était revenu
Pour voir si elle bougeait.
Il avait soigneusement repéré le cadrage,
Les arbres de chaque côté du rivage,
La barque sur la Loire, immobile
Au bout de l'appontement, comme une île.
Méticuleusement il avait tout préparé pour sa photo,
Dès que le soleil se lèverait, là-bas, au ras de l'eau.
Il lui faudrait alors saisir l'instant magique
Quand l'eau et le ciel s'embrasent, magnifiques.
Le gel lui mordait les doigts ;
Il devait souffler dessus pour les réchauffer.
Il ne pensait pas qu'il ferait déjà si froid,
L'automne venait juste de commencer.
Mais il fallait encore qu'il patiente, qu'il attende
Que le soleil se lève de derrière la colline,
Que la lumière monte, s'étale, s'étende
Jusqu'à devenir blanche, opaline,
Puis qu'elle embrase tout, mette le feu dans le fleuve,
Qu'elle écarte les nuages noirs et lourds.
Alors il prendrait sa photo, son chef-d’œuvre.
Malgré son souffle court, malgré ses doigts gourds,
Il appuierait juste au bon moment
Pour immortaliser ce si bref instant
Saisir l'insaisissable, justifiant une si longue attente
Grelottant, malgré ses gants, malgré sa mante.
Quand enfin l'astre du jour inonda de sa lumière
Le fleuve, les rives, le ciel, et la colline derrière,
Il sembla pétrifié, par le froid, par la magnificence
De cette aube colorée qui montait comme une arborescence.
Il fait sa photo mais resta là à contempler
Cette aurore parfaite qui lui était donnée.