Quand l'amitié fout l'camp avec tous ses bagages Nous laissant bras ballants sur le quai déserté, Quand celui qu'on croyait semblable à notre image N'est plus qu'un inconnu dans nos yeux reflété ;
Quand les mots se bousculent et se pressant en flots Jaillissent, déchirés entre peine et colère, Quand le coeur ne sait pas si le plus grand des maux Est blessure d'orgueil ou affliction sincère ;
Quand les plaisirs passés sont teintés de fadeur Et qu'on ne comprend plus ce qui nous attirait Vers cet ami, cet autre, ce frère de coeur Qui nous était si cher et que l'on admirait ;
Quand l'amitié fout l'camp, sans pleurs, par lassitude Usée par des années à se voir trop souvent, Quand elle n'est plus rien qu'une simple habitude Quand les vieux souvenirs laissent indifférents ;
Alors, on reste là, l'âme nue, dépouillée A regarder mourir un petit peu de soi, A tourner sans regrets, yeux à peine mouillés La page d'une vie où un ami s'en va...