Allongé sur l’herbe en haut du coteau, Au-dessus de l’Eure, Je vois la vie grimper mollement Grâce à la bise sans soucis Qui porte le pollen des saules.
L’insouciance faite symbole, Le pollen, Par petites boules nonchalantes et joyeuses, En apparence un peu vaines, Se répand dans le paysage de soleil, Et dans mon cœur aussi lumineux.
Le pollen est pour moi Un relais entre la vie aujourd’hui Et celle de demain Où les saules seront Les jalons du cours de l’Eure, Les ombrelles des promeneurs de l’été, La chevelure du paysage fluvial de Seine Aux courbes comme les grâces D’une divinité des temps païens.
Et moi, dont la peau libre est caressée Par des airs tièdement frais, Et chauffée par des langues solaires À peine râpeuses, Je suis le témoin de cette vie Qui mue lentement. Il n’y a que la course rapide Des hommes fuyant l’angoisse Qui tranche avec cet instant.
La course et le travail Bien souvent Permettent d’oublier Les fondements de l’angoisse. Mais ils donnent Moins de bien-être Que d’anxiété.
Et mon plaisir prend du relief Quand je songe à cela. Je mesure mieux le luxe De ces instants de repos.
Alors je bois à grandes gorgées Ce temps libre Qui évolue sous la forme d’un paysage Où je ne suis qu’une boule de pollen Insouciante En passe, peut-être, de transmettre la vie; Du moins je transmets la paix Qui la rend si belle.