L’espace semble vide et la campagne inerte ; Sous les cieux encombrés de gros nuages lourds, Les champs sont désolés et la forêt déserte Est pleine de silence en ses profonds bois sourds.
Parfois un gris brouillard sur les prés et les chaumes Recouvre les vallons de son épais manteau Transformant arbres et bêtes en de vagues fantômes Surgissant çà et là sur les flancs des coteaux.
Et puis, venant enfin disperser cette brume, Souffle la tramontane ou bien le vent d’autan Versant un froid crachin sur les labours qui fument Et partout des ruisseaux s’écoulent en chuchotant.
Mais parfois, certains jours, par quelque féérie, Soudain les cieux s’éclairent et de puissants rayons Viennent revivifier les bois et les prairies ; L’on perçoit vaguement une libération,
Comme un nouvel élan flotte dans l’atmosphère, Soudain dans la nature une âme a tressailli… On entend à nouveau la chanson familière Des gazouillis d’oiseaux jouant dans les taillis.
Les taches de couleur çà et là apparaissent De quelques fleurs hardies qui prennent leur essor. Devançant les bourgeons tout gonflés de promesses, Le mimosa radieux a fait jaillir son or.
Vers la fin de janvier, la nature incertaine Hésite entre l’hiver et l’appel du printemps ; La nouvelle saison n’est-elle pas lointaine, Tout est encore glacé, humide mais pourtant,
Sous l’ardeur du soleil tout frémit et tout vibre, Par la sève et le sang la nature répond ; Plantes, bêtes et humains ressentent dans leurs fibres Tout l’amour des cieux dans ces caressants rayons.
Le royaume céleste est notre vraie patrie. Bénis soient ces très doux et trop rares moments Lorsque sous le soleil la campagne sourie, Fenêtre qui, l’hiver, s’ouvre sur le printemps.