N’aimez-vous pas marcher parfois en pleine nuit Et faire au frais jardin quelques pas solitaires Quand le vaisseau d’argent de la lune qui fuit Glisse sur l’océan des étoiles bleues et claires ?
On va parmi les ombres et vaguement inquiet A légers pas de loup ; à peine si l’on ose Laisser crisser un peu les feuilles sous le pied Tant est calme la nuit où tout dort ou repose.
Un bruissement léger d’un oiseau se sauvant ; Au sein des frondaisons, les langoureux murmures Des feuilles qui frissonnent aux caresses du vent ; Le doux chant des grillons montant des plaines obscures.
Ce jardin familier, ses taillis, son verger Sous la lune soudain paraissent un mystère ; On marche en hésitant sur ce sol étranger Où tout semble plus grand tant les ombres exagèrent.
Les arbres, hautes colonnes d’un temple sacré, Tels les confuses ruines d’un vieux monastère, Tendent au champ d’étoiles et son éclat nacré Leurs sombres et longs bras en muette prière.
C’est le moment béni où l’homme, silencieux, Admirant, fasciné, ces innombrables flammes Sur la voûte profonde et infinie des cieux, Sent en lui tout à coup se dilater son âme.