Ce soir, pour la dernière fois, j’avais ouvert ma porte. Longtemps, j’ai regardé ton ombre se découper Sur le fond sombre d’un jardin irréel. Qu’importe ! Immobile, contre un chêne accoudé, Tu ignorais le rai de lumière invitant. J’ai laissé s’éteindre la mèche, patiemment. Signant un pacte avec les anges, j’ai refermé les battants. Demain, à l’aurore naissante, les ombres auront fui, T’emportant avec elles vers les palaces de l’oubli. Ce que nous fûmes s'écoulera vers le néant. Mon cœur n’a plus la force des regrets. Il consent au demain qui profile sa voie. Je dormirai maintenant loin du satin et de la soie, Priant Dieu de ne jamais plus prononcer Ni ton nom ni même son souvenir. Comme ceux qui paient leurs torts, Au prix le plus fort, aux prix de leur corps, Je laisse nos hiers dans un coin de terre où dormir. Sorrow est une contrée aride et désolée, Les nuits y sont longues et terrifiantes. Les astres ne se souviennent plus d’y luire. Ceux qui arpentent ses acres abandonnées Bien qu’encore respirant, déjà sont morts. Un jour, les pierres des tours de sable S’effondreront, ensevelissant les œuvres d’un diable Qui s’amusa à nous conduire sur des chemins de ronces. Mais il est temps qu’à mon tour je renonce A rallumer des cierges qui trônent sur des autels païens, Ces astres qu’un jour, par mégarde, j’ai étreints… Le temps est venu de nous offrir à une autre vie. Demain, dans la pénombre, je regarderai Ce jardin qui pour toi a tant et tant fleuri. Je resterai immobile entre les battants ouverts Ne guettant plus, n’attendant plus. Je resterai là encore un peu, une dernière fois. Tu ne le verras pas, pourtant mon cœur sera là, Comme se tient là l’éternité.