La campagne s’étend morne et grise Au pied d’un tumulus abandonné des hommes. Les arbres ont perdu jusqu’à leur chemise ; Des nappes brumeuses semblent fantômes Sur le ruisseau qui ne sait plus murmuré, Tout enfermé qu’il est sous son manteau de glace.
Sur la berge fangeuse, la terre embourbée Laisse entrevoir quelques pas, étranges traces. Qui passa là en ces heures ternes et froides ? Etait-ce un amoureux perdu ou une enfant Cherchant un oiseau rare pour ses nuits fades ? L’absence et le silence m’offrent de leur néant Toutes les images que ma tête peut rêver.
Mais pas une voix humaine ne se fait assez vive Pour démentir les tableaux tristement élevés Par mon sombre regard sur une humanité passive. Comment peut-on ainsi parjurer des racines Qui pourraient nous porter jusqu’au sublime ? Comment ose-t-on ainsi ensevelir des origines Qui portent en elles des bonheurs et des crimes ?
Mais c’est omettre que l’Homme, animal dompté Par de trop beaux démons, se laisse toujours prendre Au jeu malin de celui qui vit et l’infante et l’aimé. Mes yeux seuls ne peuvent racheter les mortes cendres. Le ciel est lourd et le brouillard, dense. C’est l’hiver Dans le cœur du village. La terre pourtant palabre : Elle hurle qu’il y eut des amants qui s’aimèrent Le long de cette eau muette qui les vit encore glabres.
C’est alors que je vois une pierre, silex noir Que de tout ton amour pur et limpide et doux Tu me donnas un jour ou plutôt un soir Où mon cœur sombrait lui aussi dans de sombres remous. Ma main le ramasse et d’un geste prompt le lance. Voilà qu’à nouveau l’eau murmure des notes douces Et combles d’espoir. Une force soudaine gomme ainsi l’offens De la nature injurieuse, lui rendant ses couleurs folles et
Terre d’hommes, il suffit parfois d’une seule âme Pour te sauver des morts certaines et de l’infâme.