Les petites filles sont comme ces fleurs Parsemant les sentiers de campagnes. Elles bordent de leur beauté innocente Les champs cultivés. Les petites filles naissent Au gré du vent avec une seule prière : ’ Promeneur du hasard, si tu me cueilles, Ne le fais pas distraitement pour assouvir Une envie soudaine De tenir la simplicité dans tes mains. Surtout ne m’effeuille pas Par plaisir de mesurer le poids de ma force d’aimer.’ Les petites filles désirent devenir Un bouquet de fraîcheur Dans une maison d’eau et de soleil. Elles savent que leur saison ne sera Peut-être jamais comme dans leurs rêves. Elles ignorent même si elles auront le temps D’ensemencer à nouveau les fossés incultes. Les petites filles dans leur corolle tendre Présentent leur cœur sans pudeur : Elles sont tellement généreuses et naïves. Elles ont parfois la prétention de fleurir à jamais Dans les yeux de ce jeune homme Qui s’avance dans les champs. Elles frémissent, blanches camomilles A la virginité à prendre ; elles rougissent, Timides coquelicots dont on vient de caresser Les pétales couleur sang; ou encore, Fières centaurées, elles bleuissent de leur colères enfantin Les petites filles fanent aussi, abandonnées Comme des jouets qui ne divertissent plus. Elles gisent alors sans courage, déracinées Par trop d’amour et meurent un jour, Le cœur assoiffé d'une tendresse chimérique. Mais le pire n’est point là. Le pire, Pour les petites filles, c’est de pourrir, Après la lente agonie, quand le promeneur S’en est allé à jamais. Oh, ce n’était pas forcément par caprice ! Non, simplement, c’est qu’il ne pouvait faire autrement, Son chemin ne s’arrêtant pas dans ce sentier. Il avait un rendez-vous important, Dans une contrée lointaine. Ce passant-là, Amoureux d’une petite fille, a, lui aussi, Saigné en silence tout le grenat du coquelicot ; Il a pali autant que la blanche camomille, A l’annonce de sa destination ; Et sans doute a-t-il bleui d’effroi Comme la belle centaurée Petite fille que je rencontre chaque jour En bordure de mes sentiers, ne pleure pas : Il te faut cette eau pour survivre Car les nuages n’ont plus de pluie. Petite fille, petite fleur, ne meurt pas Sinon qui contera combien tu l’aimais.