Sur sa couche, étendu, son cœur bat faiblement Il entend dans la rue les clameurs de Saïgon Retenant son souffle à la vue des avions La foule se presse dans un grand tremblement
Dans sa tête se bousculent d'intenses souvenirs Cette vie militaire dans la jungle sauvage Les oiseaux de fer et leurs multiples ravages Les jeunes soldats combattant pour leurs empires
Au loin résonnent les chants de la Nouvelle-Orléans Les siens à peine libres condamnés à une vie séparée L'odeur de la craie, les joies de la récré, son enfance effacée Lointaine est la Louisiane et son soleil riant
Ici les champs pleurent sous les cendres et le sang Les uns et les autres se terrent dans les forêts Soutenant les Rouges à l'abri des bosquets Un jour viendra la victoire pourtant
Ce soir, il ferme les yeux et revoit ces enfants Pauvres gamins errants, bataillon du Vietminh Encore trop jeunes pour danser sur les mines Qui ne baissent pas les bras malheureusement
S’il pouvait seulement effleurer la joue de sa bien-aimée Et caresser ses tresses, laisser éclater sa passion S'éloigner du travail agricole dans la végétation Son dos courbé, il l'aperçoit encore dans la rangée
Il s'éteint, lèvres tendues pour un baiser Le sang coule sur la fleur de coton Pauvres âmes, pauvres chairs à canon