Les poètes sur le char de midi.
J'ai demandé aux poètes défunts que j'aime
La vertu de leurs plumes, l'éclat de leurs vers,
Pour dire au monde ce qu'ils veulent de baptême.
L'un vint, vêtu d'un mètre or, décernant l'hiver.
Pourquoi l'hiver ? mandais-je à l'âme venue.
- Car nous voyons la chaleur de ses aethers,
Et d'ici, sommes à la saison, sa tenue,
Pour que décembre miroite de mille paters.
Un autre vint, orné d'un laurier écarlate,
Aussi brillant que le ciel de l'hiver, la nuit ;
Il tenait le printemps dans la main de Galate,
Et m'offrit la liberté sur un char à midi.
Je vis encor' un autre chanter des litanies,
Debout sur le char de midi, dans le soleil.
Du printemps vierge, il m'apportait l'allégorie
D'un poème, pour que son mètre soit vermeil.
L'un était l'hiver, l'autre était sa renaissance,
Pendant que leur frère créait la fraternité.
Car, ils n'avaient pas tout dit, m'offrant l'alliance,
Pour nos roses rouges écloses en été.
Un quatrième vint d'Eleusis, fort austère,
Chargé de mystères versifiés que temps
N'avait pas compris, et m'offrit, humble, le sceptre
Des secrets que le voile lève d'arc-boutants.
Un autre, vénéré, la chevelure blanche,
Servit une offrande rare, sous le manteau,
Qu'innocence suprême taquina ma branche.
Il dit - Rime le vase posé sur le liteau !
Un septième m'offrit une corbeille pleine
Dans laquelle je pouvais puiser mon désir ;
Prends ! affirma-t-il, pour confesser la Géhenne,
Car nul poète ne parle que de plaisirs !
L'un, dont la nuit offre le jour au crépuscule,
Me donna son soleil que pélican portait.
Allaitant ses petits, il m'offrit sa mamelle
Pour que jamais je ne souffre du manque de lait.
Le neuvième vint de nature sur ma couche,
Disant – Lèves-toi ! jamais ne reste au berceau,
Car tu ne sais qui, du lac ou de la vie, te touche
De pardon, à chaque vers écrit pour Son terreau !
Quand le dixième vint, je pris de sa besace
La vertu des enfants, la flèche de l'écrit,
Pour que rire soit à la douleur la rosace
Des temples que rose bleue toujours éblouit.
Saadi me portât dans le jardin des roses
Qui ne fanent point, car elles sont de tous temps
Les témoins de ce qui fut, est, sera, la gnose
Si belle, que je frémis du don au printemps.
Je vis venir le premier, chargé d'une Coupe.
Il était Celui dont nul ne peut salir le Nom,
Et dont le Verbe est flamboyant, telle Sa Coupe.
Écrit et fais moisson de lecteurs en Mon Nom !
Les douze me prirent dans leurs bras, bien-aimée,
Dire au monde ce qu'ils veulent de sacrement.
Le Verbe prit les onze d'une main parfumée,
D'un nard que poésie donne sous Son levant.
Écoutant la parole du char poésie,
Tous s'inclinèrent, offrant l'or qu'ils avaient vu.
L'aurore du premier éclairait toute vie,
Qu'en l'art le plus subtil, j'avais désormais vu.