Les tours brumeuses de mon enfance Font surgir les formes démolies De la maison des rêves De la cabane aux armes en bois De l'arbre du roi Du potager aux framboises De la balançoire jaune des enfants De la chambre aux peluches Et tellement d'autres murs enfouis Rongés par les années Et les grues de chantier
Les immeubles poussent C'est normal Il faut bien vivre quelque part Même sur les ruines de mon enfance Les immeubles sont polis Ils ont plein de choses à dire Une maison raconte une seule et même grande histoire Un immeuble c'est la mer Chaque poisson à son aventure Qu'il garde en photo Sur le meuble du salon
Chaque fenêtre me parle Me murmure Un drame Un mariage Une naissance Un divorce Un corps froid trouvé dans le lit de son propriétaire Une soirée entre amis Avec alcool Une réunion de famille Pour un anniversaire Le grand père vote Front National Cela énerve le petit fils étudiant Qui va fumer au balcon Jolie feuille sur son arbre gris
La maison de mon enfance Est morte Elle a pourri On a dû la couper Puis on a planté un arbre de béton Dont les racines d'acier Se lient au goudron Il fait des fruits toute l'année Ils sont amers et sucrés Mon encre se délecte de ces fruits offerts À l'air clair du potager