C’était une nuit lente et stable, pleine de silences et de ténèbres Une nuit de février anormalement chaude J’avais passé la journée à suffoquer dans les friperies du Marais et depuis je transpirais dans mes draps trop épais Le noir avait tué l’action et moi, entre les planches de mon lit, je pensais À toi L’attente d’un bus à un arrêt de bus éclairé seulement par un lampadaire clignotant J’enfile une chanson dans mes oreilles C’est toi que j’écoute Puis le bus et le train qui va partir Course sous la pluie et c’est toi que je rejoins J’ai mon train Les lumières floues se bousculent dans mes yeux mais moi, c’est toi que je vois Les reflets bizarres de la vitre ne m’offrent pas de repos Tes yeux non plus Ah, je repense à ça C’est drôle cela fait si longtemps maintenant En voyant mes lèvres dans l’ombre floue de la nuit je pense aux tiennes Pleines et chaudes comme un fruit Je croque dans tes lèvres à pleine langue La plainte de l’oubli résonne dans le ciel pluvieux En traversant les banlieues endormies C’est le temps qui remonte En je m’en vais faire un tour sur la ligne de feu Et cette chanson que j’écoute Quelle chanson ? On dirait un vieux générique de film japonais C’est l’impression qui se dégage de ce rêve aigre-doux C’est le souvenir que j’ai de toi Dans ce train aux sièges vides Qui fend la nuit comme un missile ronronnant Et je me retrouve à caresser tes cheveux À les lisser au fer chaud À me brûler la peau Tu vois La marque est restée sur mon bras Aussi indélébile que ta bouche brûlante De gare en gare elle me suit De train en train de bus en bus Comme une ombre de feu Comme un cœur qui bat sur ma poitrine tremblante Comme ma jambe de ta jambe mêlée Comme ma peau de ta main agrippée Comme ton cri qui déchire la nuit et les draps humides Comme le temps infini après l’amour Comme tes yeux dans les miens Comme ton rire comme ta voix comme tes gestes comme mes souvenirs qui restent là Qui restent là Cette nuit lente et stable ne finit pas Je crois même qu’elle ne finira jamais Je vais attendre d’autres bus sous la pluie Prendre d’autres trains vides Écouter d’autres chansons peut-être Et fendre l’ombre des banlieues de mon sceptre d’acier creux J’ajoute un nouveau rêve brisé à mon costume de scène Mais je ne serai pas seul Non Solitaire Mais pas seul Je t’aurai Toi Ma muse L’étendard de ma foi Ma raison de composer les mots Tu seras toujours près de moi Sur un siège vide Comme la première fois Te rappelles-tu ? De l’arrêt de bus jusqu’au quai pluvieux Le train était complètement vide Et toi Dans ta robe blanche qui te va si bien Celle que je préfère d’ailleurs Tu t’es assise près de moi Tout simplement On a partagé mes écouteurs en se souriant C’était cette chanson Notre chanson Une chanson d’amour Un air mélancolique Qui fait penser à un vieux générique de film Qui nous ressemble en somme La fin d’un film d’amour Qui se finit bien lui C’est la première fois que je l’écoute Depuis Depuis que toi Et moi Depuis tout ça Mais J’aurais voulu ton nom au générique Mais Un happy ending Mais Nous ne sommes pas dans un film « Mais la vie sépare Ceux qui s’aiment Tout doucement Sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas Des amants Désunis »...