Fantasmagories
J’ai tellement péché que j’étais délirant :
Les étoiles m’ont fui comme un troupeau de zèbres,
Et brûlant peu à peu sous ma peau de ténèbres,
J’ai envié la mue du lumineux serpent.
Les pécheurs sont menteurs selon saint Augustin,
De stupides Ixion s’illusionnant eux-mêmes ;
En reniant Jésus nous sommes anathèmes,
Et connaissons trop tard que notre égo est vain.
Ton étoile est lointaine, ô Toi qui fis le jour,
Et pourtant plus réelle et ô combien plus belle
Que les âcres vapeurs de mon âme rebelle !
Hébété de torpeur, j’étais aveugle et sourd ;
Car le fruit défendu est une fausse oronge,
Et l’on sort du péché comme l’on sort d’un songe.
*
J’ai tellement péché que c’était irréel.
Les étoiles fuyaient comme un troupeau de zèbres,
Et je me dévorais sous ma peau de ténèbres,
Erysichton damné par un rêve mortel.
J’étais comme Ixion dans sa luxure vaine ;
Les frissons de l’enfer parcouraient tout mon corps,
Et délirant tout seul d’une extase de mort,
J’ai connu que la Pomme est hallucinogène.
Ton étoile est lointaine, ô Toi qui fis le jour,
Et qui sait si l’éclat de sa brève lumière
N’est pas l’illusion d’une douce prière ?
Qu’importe, même en songe il faut croire en l’amour ;
Si le fruit défendu est une fausse oronge,
Nous y renoncerons pour un plus vrai mensonge.
*
J’ai tellement péché que c’en est irréel :
Les étoiles m’ont fui, lucioles effrayées
Par l’infernale faim de sombres araignées
Qui tissaient de leurs rets mon rêve si mortel.
« Le péché est mensonge », écrit saint Augustin,
« Une drogue mortelle invariablement vaine,
Un fruit pestilentiel, un hallucinogène,
Une très fausse oronge, un très sombre festin. »
Ton étoile est lointaine, ô Toi qui fis le jour,
Et sa faible lumière est-elle plus réelle
Que les âcres vapeurs tournant dans ma ruelle ?
Qu’importe, même en songe il faut croire en l’amour.
Puisses-Tu, ô Seigneur, habitant ma misère,
Aimer à travers moi les pécheurs de la terre !
