J’entends les bruits de pas de mes geôliers. Voilà cinq ans que j’attends ce moment. J’entends pénétrer dans cette porte grise la clef. La porte pareille à une libération s’ouvre en grinçant Et la Mort, par l’embrasure, m’apparaît.
Elle m’attend patiemment depuis cinq années. Cinq années durant lesquelles je suis mort, tout doucement. Cinq années durant lesquelles j’ai vécu angoissé. Et mes gardiens me prennent comme un bibelot délicatement.
Je vois pour la dernière fois la lumière. Je vois les gens qui me détestent et me huer. Je respire une dernière fois cet air frais. Je vois pour la dernière fois ma tendre Mère.
Je sens maintenant la lame qui me transperce. Elle est encore chaude du limage attentionné. Le bourreau est bon : ce sera plus rapide. Et la lame coupe mon sang, coupe mon air. Enfin, je La vois, elle n’a plus de visage. Elle paraît si jeune, et frêle. Elle est belle.
Elle n’est pas noire, Comme ceux qui ne l’ont jamais vu osent le dire. Non, Elle est blanche et tendre, Elle est bonne et abhorre le moindre mal. Elle ne tient pas en son sein ce terrible Fléau que les hommes craignent tant, Non, Elle hait la douleur, Et meurt lorsqu’Elle voit Sa Sœur travaillant.
Je ne meurs pas, non, mais je ne vivrais pas non plus. Je serai sur Terre, mais je la regretterai Car je n’y serai pas le bienvenu.
Lorsqu’une voie sera tracée, je l’emprunterai, Et deviendrai le regard des aveugles qui m’exécraient.
Non, ce n’est pas la mort Vers laquelle vous m’avez donné d’aller, Non, mais bien vers autre chose Que je ne saurai oser nommer. Je ne peux vous haïr, Mais vous aimer me semble trop vous donner, Alors, j’ai décidé de vous saisir, de vous aider Et de ne plus vous voir.
