Elle tombait. Un gouffre ébloui comme l'ombre, Brutal comme la peur, mouvant comme les nombres, Vers d'inquiétants pays. Triste, brave, blessée, Belle. Et l'étrange ciel, comme un sol basculé, Dévorait à plaisir son image sans vie... Moi qui me suis penché, j'ai vu sa tombe nue Flottant édulcorée des fruits pharamineux : C'était un coin de terre au fond des fins perdues, Et s'en allait pulsée au vol des oiseaux bleus.
Je rendrai mes étés pour un autre au-revoir. Je me dévêtirai de mes chastes retards Pour fermer mon image au fléau des hivers. Intrépide écheveau. J'affranchirai les mers - N'oublie pas que je t'aime - Jusqu'au retour farouche de mon futur pareil. Ainsi qu'un vieux printemps je m'effilocherai, Et sur le vent boudeur cloué sur son lit courbe, - N'oublie pas que je t'aime - J'érigerai mon échine au fer des promontoires ; J'amoncellerai mes doigts au sel rouge des banquises ; L'océan bourrelé, fêlé, s'épierrera ; Je bâtirai maniaque au plus bas de l'automne L'escalier gorgoné de mes caves sonores, Autour du cercle enfreint des feux ressuscités Où l'onde éparpillée confond l'enceinte unique. Je nourrirai ton corps aux taudis des ruelles, Au bas des marches froides où je hume l'hiver. Je meurtrirai les cimetières à misère Pour détacher des rocs tes éparses parcelles, Et viendrai respirer l'amalgame argileux Où ma semence diamantée durcit les pluies. Je déconnecterai le dernier soir trop blanc Où l'étau rauque gelait ton geste démuni. Je te suivrai au chaud des plus mauvaises vies, Des plus précieuses nuits, Où des braises d'ivoire ont des voix d'outre-terre Et des parfums de pluie...
Un soc de vent s'acharne aux parois aguerries Du vide laborieux dont les plaines s'entourent : C'est un bruyant pavois dont les voeux s'amplifient Comme à murer le dieu qui dort au long des tours. Il faut mentir encore à la dernière porte.
Je reviendrai t'attendre au pont des âmes mortes, Où passait insensible, pour un voyage en berne, Le flot décoctionné des amours riveraines, Lourd convoi fatigué des vies imaginées.