Souvent Clara cherchait refuge au grenier, Dans la maison de sa bonne grand-mère; Seule sous les combles, elle en profitait Pour relire les romans des soeurs Brontë; Elle aimait bien retrouver cette solitude, S'évader d'un quotidien bien trop monotone, Et aussi rêver de quelque impossible amour; Elle n'était plus une petite fille, oh non, Mais n'était pas encore une femme non plus; Elle souffrait tant en constatant que sa mère Etait devenue dépressive depuis que son père Les avait abandonnées, deux ans auparavant. Clara ne le voyait plus guère qu'aux vacances, Ce père qui l'avait pourtant tant affectionnée. Dans le grenier, elle était à l'abri du monde, Elle s'imaginait à l'orée d'un bois de sapins, Des chevaux sauvages galopaient sous la pluie, Puis elle voyait des corps nus, allongés et emmêlés Sur une plage de sable, au bord d'un joli petit lac; Elle avait une folle envie de se libérer, d'aimer, Et quand un désir indéfinissable s'emparait d'elle, Cela lui procurait des frissons dans tout le corps; Son imagination très fertile la transportait alors Sur une île qui eut bien pu être celle de Mytilène; Là-bas, une belle fille rousse la prenait par la main, Et l'emmenait en riant jusqu'à une grotte obscure Où des êtres androgynes s'ébattaient sans pudeur, Ils étaient beaux et ils paraissaient très heureux; Soudain celle qui l'avait guidée l'enlaça tendrement, Et la pressa fortement entre ses deux seins tièdes; Clara souhaitait que cela ne fût pas seulement un songe.