Elle remonte à pied le trottoir de l'avenue, Un homme la croise, qui se retourne sur elle; Et pourtant les années ont marqué son visage, Son corps s'est alourdi, elle n'en revient pas Que l'on puisse encore la remarquer autant; Demain, deviendra-t'elle une femme du soir, La douce consolatrice des coeurs en peine ?... Mais de son coeur à elle, qui donc s'en est soucié ? Cet homme à qui elle avait fait don de ses vingt ans S'était éloigné depuis bien des années déjà, Il ne la trouvait plus assez décorative, le mufle, Stupide petit-bourgeois trop soucieux des apparences; Il lui avait fallu réapprendre à vivre toute seule, Et aussi se dénicher un emploi, à plus de quarante ans; Elle ne pourrait pas redevenir non plus une femme du matin, Celle qui échangerait sa chair et un semblant de sentiments Contre une menteuse liaison de lucre et de convenances; Elle aimerait plutôt retrouver son âme de midinette, Quand elle ne rêvait que de romantisme et tendresse, Au temps béni de son adolescence insouciante.