Les chardons ont poussé dru Sur la grande plage abandonnée, Les paons, aigris, se désespèrent, Là-bas, derrière les barbelés; Et pourtant les hommes libres Ne veulent toujours pas renoncer, Comme avant, ils croient dur comme fer Aux belles légendes millénaires, Les fées hanteraient-elles encore La belle forêt de Brocéliande ? Les anciens poètes feuillettent Des albums de photos jaunies, Se souvenant de ce temps béni Où leurs coeurs étaient fiers; Ils ne se résigneront pas à se taire, Bien qu'ils ne soient plus à la mode, Pauvres fous romantiques qui serinaient Le trop triste refrain de la mélancolie, Ils se refusent, têtus, à disparaître, Vaincus par les névroses nouvelles, Et tout le long de leur amère solitude, Ils continueront à hurler dans la nuit, Avec leurs chers frères les hiboux, Tandis que se mourront les fleurs Sur les vastes prairies en friche, Où tout n'est sûrement pas encore écrit.