Le bal battait son plein, il y avait un peu trop de vacarme, L'orchestre jouait faux, mais les femmes étaient belles, Sans doute beaucoup trop fières ou trop sûres de leur charme Il se sentait complètement perdu dans cette foule, Le vieil ours solitaire qui s'était réfugié à la buvette, Où il s'enfilait canette sur canette, l'air indifférent, L'esprit embrumé, à des centaines de lieues, sans doute, De ces fêtards trop gais, stupides et insouciants, Rassemblés en ce lieu pour tuer leur éternel ennui. Mais ce qui pouvait se passer sur la piste de danse Ne le passionnait guère, et surtout pas ces jeunes gens Qui faisaient des courbettes à la limite du ridicule Pour tenter de convaincre de fausses blondes pimbêches De leur accorder un paso-doble ou de préférence un slow; Ces demoiselles faisaient leurs mijaurées, provocantes, Exhibant sans pudeur leurs cuisses lisses, bien bronzées Par le soleil brûlant de leurs dernières vacances; Hautaines, voire méprisantes, elles hésitaient toutefois A entrer dans le jeu hypocrite et puéril de la séduction. Lui, tout ce cirque débile le laissait vraiment de glace, Il semblait ne pas éprouver le moindre petit désir De se mêler à cette indécente et désuète mascarade, Bien trop obnubilé par l'idée fixe qui le tenaillait, Celle qu'un couple normalement constitué ne pouvait Envisager de vivre continuellement replié sur lui-même, Ainsi que sa compagne l'eût probablement souhaité.