J’aimais à vous surprendre encore endormies, Légères, enveloppées de perles de rosée Qu'un rayon de soleil venait enluminer Et donner tout son sens à ma petite vie.
Je languissais, pensif à l’ombre d’un troène Une rose pourprée apparue sous mes yeux, Je fus comme éperdu follement amoiureux Je cumulais les ans, elle quelques semaines.
Rien ni personne ne peut influencer le temps Ni effacer les rides qui rendent vénérable, Mais j’aurais volontiers vendu mon âme au diable Pour avancer les âges et reculer les ans.
Elle s’en alla fleurir les jardins de Palmyre Laissant fané mon cœur au milieu de l’allée Parmi les coronilles, dahlias et azalées Puis me griser de nard, d’hydromel et de myrrhe.
Le temps a fait son œuvre en ami infidèle Me voici à présent un objet remisé Qui depuis des années ressent son corps rongé, Posé entre un gibus et une vieille aquarelle.
Un doux rayon de Lune traverse le volet, Déposant sa lumière sur le miroir d'en face; Quel est donc cet objet dont le regard me glace? Est-ce-moi que je voie à travers le reflet?
Ha! Maudite chimère à l'étrange pouvoir, De s'être contemplé à travers tous les âges On se voit maintenant cerclé d'un sarcophage Terminer notre vie dans ce triste mouroir.
Suis-je donc tant usé? Ai-je donc tant vieilli? La rouille qui me couvre, trop souvent combattue Je l'entends ricaner de me voir en vaincu, Enfin! Je t'aperçois, fidèle ennemie.
Ote-moi la souffrance, le mépris, la disgrâce, N’espère pas de moi la moindre reculade, Attendre patiemment que mon corps se dégrade? Non, merci! A l’oubli je préfère l’audace.
Je connus bien des joies, et beaucoup d’amertume, La jalousie souvent, mais autant que je sache On peut être arrosoir et avoir du panache Que l’on reconnaitra lors des honneurs posthumes.
Comment puis-je oublier que toute mon existence Je la dois aux bleuets, crocus, aux hélianthèmes, A chacune d'entre elle j'aurais pu dire "je t'aime" Inondant mon amour de leur évanescence.
Avant quautour de moi deux bras rouillés m’enserrent,