Écrire, amères confidences, ô blanche feuille Amicale, j'ai tant à te dire de moi-même Alors que rien ne vient sur ton corps qui recueille Des plus sublimes plumes les émouvants poèmes
Écrire comme on respire de suaves parfums Au cou de blanc satin de nos primes amours Lorsque, tendres et chaleureux, comblés enfin, S'endorment nos émois à la pointe du jour
Écrire la vibration de la note parfaite Suspendue dans l'éther en un pur tremblement. D’où vient cette puissance à l’alchimie secrète Des magiques enfants nés du bois et du vent ?
Écrire, tout simplement, la vie, à en mourir Et la joie de l'instant ne sera pas vécue En vain pour nos amis qui entendront les rires Au-delà des soucis et de l'oubli, vaincus
Écrire le sort de ceux que l'on ne peut sauver Vers qui l'on n'ose pas franchir le premier pas Honteux de nos plaisirs, de nos panses gavées Trop repus de nous-mêmes pour de justes combats
Écrire pour se punir et implorer pardon Car l'encre, de nos jours, se nourrit goulûment De lâchetés, mensonges, meurtres ou trahisons Des crimes et des viols, elle fait son aliment
Écrire en mots de sang le martyr des humains Et le déchirement du cri de la naissance Les sourds gémissements, le ventre sous les mains Appuyées sur l'enfant transpercé de souffrance
Écrire une prière pour le salut des siens : A quoi servent les mains si l'on ne veut les joindre ? Supplier en un geste le Maître du destin Lorsque, sur nos aimés, le trépas vient à poindre
Renaître purifié, libéré, pardonné Prêt pour la vie rêvée, lavée des errements Conquise enfin car rien ne nous sera donné Sinon la conscience de nos déchirements