Vous n’avez rien connu des années d’innocence Ni la joie des baisers, à la nuit débutante, D’une mère attentive à combler vos attentes Ni les jeux impatients ni la tendre insouciance
Mais seulement les chants des marches militaires La recherche du pain dans le fond des décharges Et le vol, quelquefois, pour alléger la charge Des plus faibles parmi les enfants de vos pères
Chaque souffrance vue de ma cité dodue M’accuse, ô ma conscience, au nom de la vie même Celle-là que j’ai eue comme un butin suprême Chaque jour prélevé sur ce qui vous est dû
J’ai la repue coupable et le pleur insincère Parce que, maintenant, dans le grand déballage Des horreurs étalées d’un monde anthropophage Je ne peux échapper à vos cris de misère
Alors je suis perdu et n’êtes pas sauvés Pour autant car le temps n’est pas venu de vivre Autrement que pour moi, décidément trop ivre Des conforts insouciants où je me suis lové
Voilà, tel qu’en lui-même se distrait le monde Vous en êtes la proie, la faute et le pardon Enfants qui justifiez nos larmes et nos dons Mais jamais ne serez la raison où se fonde
La nouvelle exigence, la thèse du partage. C’est que l’économie, sur laquelle tout repose -Du moins l’affirme-t-on dans les lieux où l’on cause Avec autorité - exige ces dommages
Pour le bien de l’espèce et construire demain. Ainsi, quand je dépense ce que vous n’aurez pas Pour me soigner d’avoir glouti votre repas Je brise votre enfance pour prolonger l’humain.