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Bo ji

Petit hêtre

On y arrive par un chemin blanc, le cerfeuil sauvage y fait pétiller
le mois de mai comme des bulles de champagne. Deci, delà, des alliaires,
de la consoude, des stellaires et même parfois une orchidée.
Des plantes qu’on ne regarde plus, masquées d’ordinaire.

C’est un petit bois perdu où les arbres vivent la longueur de leur vie.
Quelques-uns sont des chênes, des hêtres, des charmes, un tilleul aussi.
Ici, ils dépassent le siècle. Ils ont dû en voir passer des fous, des rois,
des mendiants, des paumés, des pluies d’étoiles filantes, des tempêtes, des désarrois.

Ils ont dû en entendre des bêtises, des poèmes, des pleurs, des rires.
Ils ont dû en sentir des vies naître au sein de leurs racines,
au creux de leurs branches. Ils ont dû en recueillir
des derniers souffles de vie bien remplie et d’autres qui se dessinent.

À l’ourlet du bois, les aubépines se parent d’un voile de noce et font honneur
au printemps. Tout ici explose d’un souffle qu’on a oublié ailleurs.
Le lierre et le chèvrefeuille s’empressent à qui sera le premier à embrasser les nuages.
Les arbres, amusés de cette folle jeunesse, en oublient leurs âges.

Bientôt, une nouvelle vie viendra. Avec elle, l’innocente curiosité
qui, d’un pas mal assuré, ira s’enquérir du parfum de la mûre et de la témérité
de l’escargot. En dessous encore, une nappe immense de ronces et de groseilliers.
Elle fait la joie d’une faune qui parfois se laisse voir. Je vais la voir cette tablée.

Je m’y fais minuscule. Je vais y cueillir le chant des oiseaux, le vent
dans les branches. Je vais m’emplir de ce qui n’est pas moi et qui pourtant
m’accepte. Il vaut bien tous les châteaux, tous les palais de marbre.
C’est un bel endroit loin de tout, à deux pas pourtant. Au creux d’un arbre.