Levez-vous gens du monde !
Levez-vous gens du monde pour le poète
Qui ne tire pas de plans sur la comète
Et qui ranime d’un feu ardent vos âmes,
Toujours à vos côtés, qu’on le loue ou le blâme.
Dans tout l’univers il est l’ange gardien
Qui mène partout son combat quotidien,
Pour dénoncer les injustices et haines
Gratuites des hommes, quand elles se déchaînent.
Il rêve d’une Terre toujours meilleure,
Où chaque homme, libre, trouve sa demeure.
Dans les cœurs arides, il cultive l’amour
Que sa muse transforme en mil et un tours.
«Tout est beauté, même quand tout paraît laideur !»
Voilà le message qu’il dit avec ardeur.
Quel que soit son pays, quelle que soit l’époque,
Son esprit céleste se déploie, provoque.
Son génie éclaire toute l’humanité,
Pour dévoiler son invisible nudité
Et en révéler tous les secrets apparents.
Ainsi, à chacun, tout devient transparent !
Il observe le monde d’un regard d’enfant ;
Mélancolique, son chagrin est étouffant.
Laborieux, rigoureux, il choisit toujours
Les choses, les êtres dont il met au beau jour
La nature qu’il désigne d’un mot adroit
Et les pensées sublimes auxquelles il croit.
Il construit ses paroles pour un seul plaisir :
La mélodie qu’il recherche d’un vif désir.
Toujours trop épris de toute idée bien faite,
Il rit du cœur quand sa rime est trop parfaite.
Sa voix est l’œuvre d’une âme qui gémit,
Lorsque l’émotion en son tréfonds frémit.
C’est la voix de ceux qui souffrent et murmurent
Le joug des tyrans aux féroces armures.
Consolante de la veuve et l’orphelin,
Elle est pour l’enthousiasme un vrai tremplin.
Et aux heures sombres, annonce l’avenir
Qui à l’horizon va bientôt devenir.
Elle réveille les peuples, sonnant l’alarme ;
Devant la dictature, elle crie : « Aux armes ! »
Son récit dit des vérités éternelles,
Sorties des ténèbres de ses nuits charnelles.
Pourtant, le plus souvent, tout y est mystère,
La raison même n’est pas son caractère.
Malgré cela, de tout, il saisit l’essence
Que son génie subtil met en évidence,
Par les mots et phrases qui font la musique,
Qui éclaire son obscurité lyrique,
Qui émeut toujours l’élite et le vulgaire,
Depuis deux mille ans avant Apollinaire...