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Céline ORIOLE

De la coupe aux lèvres (Première partie)

Je n'en veux pas de vos cigarettes russes
N'ayant l'habitude que des américaines
Idem pour ce café turc que j'ai boudé
Tout ça, mon cœur ne pourrait le supporter.
Cela m'étonne de vous, que dire de plus ?
En fait, je suis là pour au moins une semaine.
Étrange quarante-cinq-tours que vous écoutez !
C'est la BO d'un film, et je ne fais qu'entendre
Du bruit des alentours, peu de zic : me prendre
Au piège, j'ai vu le clip à la télé.
Savez-vous qui l'a composée ?

Attendez une seconde, je vous montre mon bras.
Il y a quarante taquets de plastique, tout en bas.
Je me demande encore où j'ai pu les trouver.
Peut-être dans mon sommeil, on me les a collés ?
Vous m'avez reconnue ? Oh, comme c'est étrange.
Vous connaissez mon père plus que moi, ça m'arrange.
Mais plus je vous regarde et moins je doute
Plus je ferme les yeux, moins je vous écoute.
Je me débarrasse de ces taquets plastiques
En ayant une pensée pour ceux de mon équipe
Car l'un d'eux vous a vue, après le foot
Prendre le métro ligne neuf, pont de Sèvres.

Il y a loin de la coupe aux lèvres.

Écoutez-moi : notre chemin a été long
Nous avons tâtonné jusqu'à trouver les liaisons
D'une ligne à l'autre, ne faisant des issues
Que pour mater les restaurants depuis la rue.
Dans les néons, je n'ai pas vu votre visage
Mais celui de votre supérieur à l'étage
Au-dessus : il est dans ce ministère.
Je comprends pourquoi il connaît mon père.
Ne m'en voulez pas ! C'est ma timidité
Qui prend le dessus, je n'ai pas l'habitude
De faire des parallèles ou des similitudes.
À vous voir, je ne sais pas où vous caser
Parmi les livres que vous rangez.

Oui, j'ai seize ans, et alors ?
L'âge que vous me donnez est un peu moins.
Chez moi, la nuit, je zigzague entre rock
Et trip-hop comme les ados de mon époque.
Je ne vais pas trop au-dehors
Mais au moins, chaque semaine, je gagne mon pain
En portant le journal deux étages plus bas
Par rapport à chez moi, si vous saviez qui vit
Là-bas : je me tais, je m'abstiens, restez-y
En fait, je gagne dix euros pour ça.
Je ne piloterai pas un Tupolev...

Il y a loin de la coupe aux lèvres.
Intérieurement, j'ai souffert, j'ai failli m'overdoser
Un jour où elle était au téléphone
Maintenant, j'espère que nous serons tous quatre traités
Nous et le chat qui vous étonne.