Au temps de notre affinité T’ayant vu un jour feuilleter Le livre Alcools d’Apollinaire Plein d’altruisme et de bonté Je t’avais offert l’exemplaire
En ce temps-là qui se fait vieux Que je trouvais alors radieux La poésie si je résume Ne trouvait pas grâce à tes yeux Même pas celle de ma plume.
Je me demande quelquefois Si tu as toujours avec toi Ce petit ouvrage de poche Et penses-tu alors à moi Lorsque ton regard s’y accroche ?
L’ouvres-tu parfois au hasard Afin de te distraire à l’art De la métrique et de la rime Ou du vers libre ce roublard Pour un tendre moment intime ?
Songes-tu au pont Mirabeau Sous lequel de la Seine l’eau Comme les amours mortes passe Et comme elles sombre écheveau Cependant jamais ne s’efface ?
Crois-tu qu’il soit désespérant Pour Marie d’être mère-grand Et que les colchiques d’automne Soient les fleurs où le soupirant Encore aujourd’hui s’empoisonne ?
Préfères-tu dans le serein Aller en barque sur le Rhin Où décidément nostalgique Pleure le saule riverain De Loreley la fin tragique ?
Ne serait-il pas déroutant Que condamnés depuis longtemps Par la destinée qui divise Le même alcool en même temps Avec légèreté nous grise ?