Je ne veux pas l’oublier
Etendus dans un pré sous le ciel étoilé
Ou baignés de soleil sur un gazon sauvage,
Dans notre appartement, un refuge isolé,
Une chambre de bonne, un hôtel de passage,
Dans le lit, au salon, à la salle de bain,
Sur la table, un tapis, devant la cheminée,
Avant de s’endormir ou d’aller au turbin,
Pour la fête au village ou la nouvelle année,
Sous la couette en hiver, sous la douche au printemps,
En sueur en été, tendrement en automne,
En urgence parfois ou en prenant son temps,
Avec raffinement ou une faim gloutonne,
Quand on se retrouvait, avant de se quitter,
Dans un bois, un verger, une crique, une friche,
Dans la lumière crue ou dans l’obscurité,
Sous la tente, cachés comme dans une niche,
Debout, couchés, assis ou sens dessus dessous,
Le matin au réveil, à l’heure de la sieste,
Au cours de la veillée, à jeun ou un peu saouls,
Dans la nuit, inspirés par quelque rêve leste,
Nos corps se sont unis en autant de façons
Et ensemble ont connu la délicieuse ivresse,
Ont partagé le sel et les amples frissons
Dans le tohu-bohu que fut notre jeunesse.
Même si ma mémoire, avec l’âge venant,
S’en vient à défaillir, jamais, par quelque grâce,
Je ne veux oublier l’assemblage poignant
De tous ces souvenirs dont je garde la trace.
Tous ces moments volés au fardeau du destin
Sont des perles ambrées qui suscitent l’envie
Et que veut égrener mon esprit libertin
Afin de réciter sa prière à la vie.