Vos
poèmes

En mil-neuf-cent-quatre-vingt-deux
Etait sorti sur les écrans
Un film dramatique et houleux :
Les quarantièmes rugissants.

On y voyait Julie Christie,
Jadis Lara de Jivago,
Courir, par l’angoisse investie,
Sur la jetée de Saint Malo.

Cette jetée où tu marchais
Quelques mois plus tôt avec moi
Lors d’un week-end du mois de mai
Chargé de vent dans les pavois.

Le temps ne nous régalait pas
Et la vieille cité corsaire
Plombée par des nuages bas
Avait mis son habit austère.

Dans ses murailles de granit
Et sous ses toits de pierres plates,
Elle ne pouvait, pour le hit
Du tourisme, pas prendre date.

Pour fouler son pavé mouillé
Et déambuler sur sa plage,
Tu t’étais, prudente, habillé
D’une veste de gros lainage.

Et seuls s’échappaient tes cheveux
De l’écharpe autour de ta tête
Avec la flamme de tes yeux,
Pour me réchauffer, toujours prête.

Avec envie, nous regardions
Partir sur la vague mouvante
Les ferries à destination
De Jersey, si proche et tentante.

Mais nous sommes restés à quai,
Comme les marins en bordée
A la recherche d’un troquet
Ou d’une cave achalandée,

Et à jusqu’au bout parcourir
La jetée où Julie Christie
Fut filmée en train de courir,
Etant par l’angoisse investie.