Je l’atteste, le ciel m’est tombé sur la tête Lorsqu’un matin tu pris la poudre d’escampette Pour, guillerette, loin de moi ficher le camp ; Inapte à présenter une mine pimpante, Il m’a fallu du temps pour remonter la pente Et à la vie trouver derechef du piquant.
Et même revenu sous de meilleurs auspices, Pouvant me promener au bord de précipices Sans avoir le désir d’y piquer un plongeon, J’ai connu maintes fois le pénible déboire De voir soudain sortir du fond de ma mémoire Un souvenir de toi, énergique surgeon.
Des vagues d’émotion longues et déferlantes M’envahissaient alors de leurs ondes puissantes Et rompaient d’un seul coup sous leur assaut brutal La digue d’amour propre et de raison austère Qu’à force de travail, mon esprit solitaire Avait cru édifier en se donnant du mal.
La seule évocation d’une ville animée Que nous avions tous deux visitée et aimée, Y faisant provision d’angéliques moments, La radio diffusant une chanson donnée Que nous avions jadis ensemble fredonnée Suffisaient pour me mettre à fleur de sentiments.
Le profil d’un visage aperçu dans la rue, La courbe d’une lèvre à mes yeux apparue, Le reflet d’une mèche ondulée au soleil, Le contour épuré d’une silhouette fine Pouvaient remettre à vif ma douleur assassine Et aussitôt placer tous mes sens en éveil.
Tu es venue longtemps me hanter, charmeresse, Mais alors que j’atteins l’aube de la vieillesse, Je puis penser à toi sans connaître d’ardeur Et ce nouvel état me cause de la peine Car je n’y trouve plus la douceâtre rengaine De cette nostalgie où je baignais mon cœur.