Le temps est emprisonné dans un cube en plomb, Il ne peut choisir son cours qui s'écoule linéaire. Les heures, les minutes et les secondes tournent en rond, Elles ne peuvent rien contre un invisible adversaire.
Mais parfois le temps s'échappe et fuit son bourreau. Le plomb se met à fondre sous la fièvre du captif, Qui brûle d'impatience de sortir de son cachot. Il flotte entre nous puis suspend son vol, rétif.
Il fait une halte au-dessus de nos bouts de vies. Les secondes se délassent et s'étirent peu à peu, Pour prolonger un baiser sous un parapluie, Et cueillir la beauté d'un visage radieux.
Il fige la délicatesse d'un geste tendre, Rend plus intense l'échange d'un regard, d'une pensée. Les rires ne se perdent plus et vont se répandre, Ils pétillent et flamboient de toute éternité.
Puis sentant l'ombre de son geôlier qui se reforme, Le temps s'affole et se hâte. Il s'élance, léger ! La foule se presse dans les rues, halète et s'abîme. Le nourrisson chemine vers l'université.
Des larmes amères coulent sur les quais sombres des gares. Le flâneur, à terre, s'étonne du mur devant lui. Les convives partent regrettant qu'il soit si tard Et le musicien trépigne sur son rêve fini.
Les fruits perdent leurs arômes, les blés sont coupés. Le jour, la nuit, hier, demain tournent sans fin. Les fleurs se fanent perdant leur douce apogée, Elles furent pourtant si belles hier matin !
Voilà... le métal engloutit ce cher fugueur Le temps doit reprendre sa place, il reprend son fil. Son escapade nous fit exister tout à l'heure Maintenant tout est calme, régulier et tranquille.