Au café de Flore Quand la soirée se termine Une histoire recommence Celle de Camus, ou de Beauvoir Ou celle de Sartre tenant le crachoir A Picasso, croquant Paul Eluard Sur la nappe en papier du bistrot. Dora y passe aussi, de temps en temps C'est pleins de mots bavards Et de vers gourmands. Des bourgeois, venant de nulle part Se perdent dans la fumée, des boulevards Des réverbères, et celle des cigarillos. C'est encore l'heure miroir L'heure des hommes en noirs, et des desperados.
Au café de Flore L'été parle à l'automne Des dandys débraillés Des intellectuels autochtones Poètes égarés, comédiens redondants Se rencontrent ici Au moins, depuis mille ans.
Mémoire de Saint-Germain De la "Gréco" blonde A tous les chemins Des artistes maudits Journalistes, où reines de la nuit Échangent dans un drôle de regard La page de garde, de leur dernier bouquin Coup de coeur, où sombre histoire de mascara Déjà tout se dissipe dans le premier taxi Qui attend au loin.
Les existentialistes parlent toujours de libération Et refont autour d'un café, le monde à leurs façons Mais les garçons efféminés des prés de Saint-Germain Ont délaissés le Flore, pour le quartier du Marais Plus gaie encore. Le dernier philosophe à la mode Échancre sa chemise, devise sur son oeuvre D'une complainte longue et lascive Sur l'abandon des corps.
Le souvenir de Sartre hante ce purgatoire Et le deuxième sexe de Beauvoir
En hiver, le dernier chocolat chaud Dans la salle art déco, se fait mignardise A la porte des Églises, comme dernier credo.
Ici c'est la légende que l'on paie, non l'addition La clientèle afflue, les prédateurs s'évitent Les touristes dans leur tour de Babel Se font un selfie de l'intelligentsia Flore à des relents mystiques Du beau spectacle d'antan, qui se donnait là