Nous nous sommes connus un matin sur la côte Et l’amour commença. Ce n’était ni ma faute Ni la tienne : un hasard. Lorsque je nous revois Toi parlant sans me voir, moi t’admirant sans voix, Marchant sans savoir où, sans suivre de chemin, Je me dis c’est dommage en pensant à demain. Car chaque jour qui naît, comme le fer qu’on mouille Les souvenirs, les voix, les visages se rouillent. L’amour lui-même s’use et si nos cœurs abondent Encore aujourd’hui de sentiments, la bonde Qui les retient fuit. Chaque fois qu’on la cogne Quand de toi je me moque ou quand sur moi tu grognes Quand je n’ai pas raison, ou quand tu m’en accuses Quand tu m’attends pour rien, quand j’attends des excuses La bonde de nos cœurs laisse échapper un peu De notre amour le beau, le tendre et le pulpeux. Lorsque le Temps patient aura, en mauvais gars, Assez causé en nous de ses mille dégâts Nous pourrons contempler de nos amours la plaine Immense et désolée aussi vide que pleine Jadis. Ne restera que le vague parfum Rance, comme toujours, des souvenirs défunts. Et des mouches par mille en d’infâmes nuées Viendront pour dépouiller notre idylle tuée. Tu me rendras mon cœur et bien sûr en échange Je te rendrai le tien. Tu diras « les temps changent », Une dernière fois, je te dirais « ma sœur », Et nous nous quitterons un soir dans la douceur Ou un jour dans la haine, au bois ou au parking. Le Temps ne connait pas le mot « happy-ending ».