A l'enterrement du poète
Avant de s'en aller il nous avait laissé
Son dernier paysage et son dernier message :
"Ce soir je vais mourir, je vais donc partir,
Si quelqu'un d'entre vous, comme moi un peu fou,
Veut venir sur ma tombe, avant qu'on ne la plombe,
J'aimerais qu'on y lise, un peu "Lettre à Elise",
Certains de mes écrits, m'ouvrir le paradis,
Car je veux avouer je vais être damné,
Je n'ai pas été sage au cours de mon passage.
Alors si vous êtes deux, sans doute que dans les cieux
Quand on va me juger pour quelques préjugés,
A vous voir là en bas, il y aura un débat,
Car qui mieux que des vers émeuvent l'univers ?
Bien sûr s'il y en a trois, moi, un peu à l'étroit,
Dans ma boite de chêne, on défera mes chaînes
Pour me laisser souffler avant de boursoufler,
Que devant ces amis, mon procès soit remis.
J'imagine qu'à quatre, là haut on doit débattre :
"Il a su émouvoir, des larmes faire pleuvoir".
Car je vois bien d'ici qu'une de vous, à merci,
Sera sans doute émue quand elle m'aura lu.
Dites, vous serez bien cinq ? C'est mieux lorsque l'on tri
Car après l'enterrement, il faudra sûrement,
Aller dans quelque bar pour reparler de l'art,
Et puis là vos paroles me seront une obole.
J'avoue qu'à six alors, avec tout le décor,
Vous, disant en chorale : "il avait d'la morale",
On fera bien semblant que j'étais un peu blanc,
Car les anges, j'en suis sûr, ce n'est pas comme un mur.
Mais je vous vois bien sept, car vous êtes poètes,
Chacun m'ouvrant un ciel, sans doute artificiel,
Souvenir d'un bon mot, j'ai bien été marmot,
Me faisant innocent quand j'étais indécent.
Ah si vous êtes huit, finir par une bonne cuite,
Sortant du cimetière, en chantant mes mystères,
On me fera bien Saint et d'avoir à dessein,
Mener la belle vie, qu'elle soit bien remplie.
Allez vous serez neuf, chacun en habit neuf,
J'en vois bien qui, ici, m'inventeront messie,
Que je vienne sauver la terre et la laver,
Sur mon nuage de rimes avant qu'on ne l'abîme.
Alors bien sûr à dix, après un sacrifice
Et des Alléluias, pour que Dieu on loua,
Je vais ressusciter pour que dans les cités,
On vienne chanter mes airs en un nouveau bréviaire".
N.B. Je vous préviendrai bien une semaine à l'avance
Avant de mourir que vous puissiez venir.
© Charly Lellouche (04.05.2002)
