Ce n'est pas Le Pianiste au fond de sa souffrance, Qui, échappant au mal, a dérobé mes pleurs. Ce sont ces inconnus de mon pays de France, Pologne ou Italie, Salonique ou d'ailleurs,
Ces autres que la bête a rayé à genoux, Ceux qui ont emporté leur musique en les cieux, Poètes dont la plume a séché dans les boues, Artistes inconnus, à jamais silencieux.
Peuple de Germanie où sont nos partitions ? Va chercher dans la flamme et ramène-les nous ! Siegfried qu'as-tu fait des airs de nos chansons ? Va fouiller en Auschwitz, exhumes-en les bouts !
Et ce môme où est-il qui serait virtuose ? Tu as fait de savon nos graines de savants ! Sais-tu que des bambins aimaient écrire en prose ? Des encriers séchés gardent leurs doigts d'enfants.
Ce n'est pas seulement le toucher du Pianiste Qui n'a pas pu vibrer en cette Europe laide, Non ! C'est aussi le fou, le pauvre, la modiste Eux pour lesquels je crie, pour qui ma rime plaide.
J'ai beau tendre l'oreille, il manque une musique. J'ai beau aimer Paris, manque une frénésie, J'ai beau aimer l'acteur, il manque un clown au cirque. J'ai beau aimer Hugo, manque une poésie.